Cours toujours
S'il y a une certitude que j'ai acquise en hypokhâgne c'est que le temps perdu ne se rattrape jamais. Temps de travail, temps de détente, temps de vacances, temps de sommeil, temps d'amour, temps de lecture, temps de trajet, temps d'attente.
Quand je cède aux caresses de S. et que je cesse de travailler, je sais pertinemment que je ne rattraperai jamais le retard que je prends sur mes devoirs.
Quand je refuse un café, ou un déjeuner avec une amie "d'avant", j'ai conscience de perdre du temps d'amitié et accessoirement,je prends toujours le risque de perdre une amie. J'ai toujours un doute quand je dis non. Je me demande combien de temps les gens accepteront que je sois indisponible, toujours occupée, toujours débordée, toujours amoureuse, toujours au théâtre, toujours "déjà avec unetelle" . Tout en regrettant de briller par mon absence, de rater des moments importants dans la vie des unes et des autres, je sais que je fais le "bon" choix. Un choix raisonnable pour l'hypokhâgne, pour Sciences-po,pour mon temps de sommeil, aussi.
Quand V. m'a quittée, j'ai pleuré une semaine entière, je me savais piètre hypokhâgneuse. Temps de faiblesse au détriment du temps de réflexion, du temps de dissertation, du temps d'apprentissage. Temps de faiblesse au profit du temps de lecture. J'ai rarement tant lu que cette fameuse semaine.Rien de bien hypokhâgneux, beaucoup d'ouvrages contemporains. Je reste marqué par l'un d'eux. Je l'ai avalé, lors de ma première nuit de solitude. Je ne l'ai jamais relu. Je ne le relirai pas, par peur d'être déçue. J'ai fait un choix qui ne correspond pas à l'image de Louis le Grand. Le choix d'arrêter, un temps, d'hypokhâgniser et de reprendre pieds.
Quand S. me propose de partir quatre ou cinq jours, à deux, pendant les vacances de Pâques, je pense très fort au concours blanc qui suivra, mais je dis oui. Temps à deux, temps de découverte. Tant pis pour le temps de révisions, qui, je le sais, ne se rattrapera pas (quand bien même j'arrêterais de dormir !).
A la fin de la prépa, il serait bon que je comptabilise mon temps perdu...